2 Neurones & 1 Camera

Olivier Thereaux

Etre un Gaijin

Gaijin. Littéralement, "personne de l'exterieur". Les autres, les non-japonais.

Il n'y a guère que les autorités pour utiliser le terme officiel pour les étrangers, "gaikokujin". Même hors du japon, les japonais ont souvent tendance à appeler les gens du cru "gaijin". Ce ne sont pas des japonais après tout, c'est logique.

Etre un Gaijin au japon est une bénédiction autant qu'un supplice, et comme le disait Jean-Paul, l'enfer (et le paradis), c'est les autres.

Officiellement, les étrangers ne bénéficient pas d'un statut privilegié. Ils paient des impôts, n'ont pas le droit de vote, et aucune loi n'interdit la discrimination (que ce soit, d'ailleurs, une question de nationalité, de race, sexe, âge...). Ce qui vaut aux étrangers de bien frustrantes aventures à chaque déménagement : les agences immobilieres ont souvent tendance a vous annocer au dernier moment que l'appartement pour lequel vous alliez signer le lendemain avait brusquement trouvé un meilleur candidat, si bien sur ils ne vous ont pas tout simplement annoncé tres poliment des le début que non merci, ils ne servent pas les étrangers.

Pourtant, il faut etre honnête, le Japon est un endroit merveilleux à vivre, particulièrement si l'on n'est pas japonais. Parce que l'on profite d'une société aux codes de comportement rigides, ou le client est vraiment roi, ou la politesse est de mise, le crime quasi-inexistant, parce que l'on profite du carcan social japonais, sans avoir à le subir vraiment. (Il est naturellement necessaire d'etre poli, respectueux, propre, etc., ce que malheureusement certains étrangers oublient un peu vite, mais au delà de ces règles de base de bonne conduite, c'est la liberté...)

Alors certes, un étranger, fut-il parfaitement adapté à la culture, avec un niveau de langue absolument parfait, ne sera jamais japonais. Etranger, en marge, à vie. Mais ce n'est en fait pas un grave prix à payer...

De cette liberté naît parfois un ressentiment, subtil bien sûr et rarement exprimé des japonais envers les résidents étrangers et leur belle vie sans les soucis du japonais lambda. Un ressentiment qui s'ajoute à la fascination, à l'animosité (certains hommes d'un certain âge, par exemple, n'ont visiblement pas encore digéré la seconde guerre mondiale), à la curiosité, à l'amour...

La fascination et la curiosité ne sont certes pas franchement de mise à Tokyo, ou le nombre d'étrangers est quand meme consequent, mais pendant une année, lorsque je vivais a Chigasaki, être le seul étranger à la ronde suscitait bien des yeux ronds. Il m'a alors fallu apprendre que quoi que je fasse, meme très calme et sans skateboard, je faisais peur aux vieilles dames, quand bien même c'etaient elles qui manquaient de m'estropier avec leur velo. Ça a son charme.

Quant à Tokyo, une journée apporte, à l'étranger qui sait les chercher, son lot grandes et belles satisfactions..

Au cours de mes ballades, un grand sourire et un appareil photo m'ont ouvert quelques portes, comme aujourd'hui cette femme qui nettoyait les peniches-restaurants près de Hamamatsucho et, me voyant appareil photo à la main, me les a faites visiter. Et c'est toujours amusant de s'entendre dire que l'on parle vraiment très bien japonais, meme lorsque l'on sait, à force, que c'est une manière polie de dire que vous parlez plutot bien, pour un debutant...

Mais il y a parfois le trouble fête qui vient vous rappeler, si vraiment vous l'aviez oublié (et ça arrive, croyez moi, je n'en suis pas au point d'avoir peur des blancs et de m'ecrier "quelle horreur, des gaijin", mais quand même...), que vous êtes un étranger, et pas le bienvenu. Tel cet homme d'une soixantaine d'annees en face de moi dans le train qui, après m'avoir regardé bizarrement pendant quelques minutes, s'est visiblement agacé de mon sourire en retour et s'est mis a gesticuler, pointer vers moi son journal, prenant, un à un, à partie les autres passagers du wagon (un brin embarassés...), et vociferant a mon encontre des propos apparemment pas très aimables.

Plus reconnaissant que jamais envers Yoko pour m'avoir offert l'iPod, je montai le son, feignant de fermer les yeux, et tentai de ne pas oublier que malgré tout, c'est ici que je me sens chez moi.

olivier, lundi 09 juin 2003, 9:44

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