Copenhague
Août 2025. Publié: Octobre 2025
Cinq ans plus tard, c'est presque une vengeance.
Ce jour là nous prenions un café à l'aéroport en attendant l'embarquement. La fatigue habituelle des matins de transit, le stress habituel des voyages en avion un peu exacerbé par les infos et le flot des mauvaises nouvelles sortant de Chine, d'Italie. Plus que quelques minutes avant l'embarquement, j'ai l'idée —bonne, ou mauvaise?— de jeter un œil sur la BBC, qui entre quelques titres ravageurs, annonce la fermeture imminente des frontières danoises.
Nous n'avons jamais embarqué pour ce vol, ce 12 mars 2020. Ou plutôt, nous avons embarqué, finalement, avec 1868 jours de retard. Ce séjour est une catharsis des années Covid.
Le centre-ville, Indre By, a vu son âme plier sous les coups de la globalisation. Grands magasins, grandes marques, mais un pavé inégal pour bien marquer la pertinence historique du lieu. Familiarité pour les touristes, confort pour les locaux.
Nous avons nos quartiers pour ces quelques jours de découverte au cœur de Kødbyen, l'ancien marché aux bestiaux, a été revitalisé par une triple couche de peinture hipster qui sied impeccablement aussi bien aux briques de brune Kødby qu'aux béton et fenêtres bleu du moderniste hvide Kødby. Des galeries d'art aux microbrasseries, je suis, sans la moindre honte, parfaitement chez moi.
Le cocktail est parfait: architecture, bouffe, café, bière, et une capacité sublime à raconter des histoires.
Au centre danois d'architecture on se pose sur un banc pour regarder des courts métrages sur les rêves d'un 2050 meilleur. Et de baver profusément sur à peu près tout ce que vend le magasin du musée: une bibliothèque entière d'ouvrages sur l'archi et l'urbanisme, des objets d'une élégance inattaquable. Certes, il nous aura fallu 10 minutes pour trouver l'entrée, et pour comprendre alors que l'obsession locale pour l'esthétique se fait parfois au détriment des considérations pratiques.
Déformation professionnelle de l'observateur des lieux et des sociétés, il me faut moins d'une heure de balade dans la ville, quand au détour d'une rue à deux pas du brouhaha de Tivoli on se retrouve nez à nez avec le penseur de Rodin, pour passer de la question "c'est comment, de vivre ici" à l'inévitable "pourrais-je vivre ici?"
L'uchronie d'avoir pris cet avion, d'avoir vécu le confinement dans l'un de ces immeubles aux briques jaunes, l'envie pressante de re-vivre en ville, tout cela revient, dans ce jardin incongru aux statues que le soleil d'août rend infiniment plus érotiques.
Marcher le long du canal et y voir nager les locaux comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Rien de plus séduisant que cela, Paris et Londres n'ont qu'à se tenir.
Les repas sont sublimes: pas besoin de parler du prix des repas et du budget tabassé dès les premières heures lorsque l'on a, par surprise, un petit orgasme culinaire à manger du hareng mariné. D'ailleurs, où irait manger Tony Bourdain? Il irait sans doute en cuisine chez Aamans, demander au chef quels sont ses points de chute hors des sentiers battus.
Un détour à Odense pour en apprendre un peu sur le "local boy" Andersen, ricaner gentiment du contraste entre tous ses "amours fous" pour telle ou telle femme, et ses "profondes amitiés" pour certains hommes. La société danoise a peut-être encore du chemin à faire. En gare, au retour, j'achète un bracelet "Copenhagen Pride 2025", même si ce n'est que le week-end prochain. Certains symboles me font trop sourire.
Un dernier dîner un dernier verre une dernière nuit un dernier café une dernière patisserie, chez Sort Kaffe og Vinyl pour compléter notre bingo de hipster en vadrouille, rassasié, un petit peu amoureux.
Avant/Après
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