2 Neurones & 1 Camera

Olivier Thereaux

Identité nationale, Crimes de guerre et autres joyeuseries

Depuis la nomination de Junichiro Koizumi au poste de premier ministre, il ne se passe pas six mois au Japon sans que la polémique autour du temple Yasukuni ne fasse surface.

Koizumi rend régulièrement, à titre privé ou non, une petite visite à ce temple où sont enterrés les heros des guerres diverses qui ont fait l'histoire du Japon. Et comme l'on fait fort peu souvent la guerre seul, les heros de guerre pour les uns ont vite fait d'être des criminels de guerre pour d'autres, et c'est pourquoi chaque visite du premier ministre à ce tempe emplit les ultranationalistes de joie autant qu'il emplit les ressortissants (et gouvernements) chinois et coréens (entre autres) de colère.

A peu près tout le monde au Japon sait tout cela, mais il y a bien des aspects que l'on sait un peu moins... Pouquoi Koizumi s'acharne à visiter ce temple malgré le systematique tollé que cela declenche? Uniquement pour flatter la frange très à droite de son electorat? Et pourquoi a-t-on enterré et célèbre-t-on dans un temple shintô des militaires?

Pour comprendre un peu mieux le pourquoi du comment, une petite leçon d'histoire s'impose, et je suis donc allé, curiosité au coeur, visiter le temple Yasukuni, ainsi que son musée.

C'est souvent une expérience aussi troublante que fascinante de comparer le souvenir qu'ont les différents peuples de leurs guerres. Aucun pays ne peut se vanter d'être un parfait modèle d'objectivité, en particulier lorsque l'on touche aux débordements et autres "petites exactions" commises en temps de guerre. Et c'est semble-t-il l'apparente incapacité (malgré des efforts en la matière, notamment de la part de ... Koizumi) des autorités japonaises à reconnaître officiellement les erreurs commises durant leurs 50 annés de guerre et d'expansion en asie (guerre sino-japonaise, conflits en manchourie, guerre russo-japonaise, première guerre mondiale, seconde guerre sino-japonaise, et pour finir, seconde guerre mondiale) qui leur vaut bien des problèmes diplomatiques, encore aujourd'hui, avec leurs voisins.

La paix est certes le ciment du japon contemporain (post 1945), mais a Yasukuni (qui, paradoxalement, signifie "pays en paix"...), c'est de guerres qu'il s'agit, et la paix n'y a que peu droit d'entrée.

Le temple fut construit entre deux ères. l'ère Edo s'étant achevée, apres de nombreux conflits avec les puissances coloniales et commerciales occidentales et autres conflits civils, par la restauration de l'empereur Meiji en 1868, et la fin de l'ère féodale. Il fallait un symbole de ce Japon réunifié autour de l'empereur, Japon réunifé par les guerres, il était donc assez logique d'utiliser, pour construire une nouvelle identité nationale, une recette bien connue : une louche de respect pour l'armée, une pincée de religion... Ainsi fut créé Yasukuni sur ordre de l'empereur, pour venerer les âmes déifiées des guerriers. Plus tard, les représentants de l'empereur rendront souvent visite au temple.

La visite du premier ministre ne serait donc qu'une formalité historique, si l'histoire, justement, n'avait un tant soit peu compliqué les choses.

Il y a d'abord eu les différentes guerres d'asie, auxquelles a participé le Japon, en profitant souvent pour envahir (ou libérer des puissances coloniales, c'est selon...) de nombreux pays de la région, commettant au passage quelques atrocités...

Puis il y eut la seconde guerre mondiale, où après quelques alliances mal venues sensées equilibrer les forces en présence en asie, d'improbables bourdes diplomatiques menant au conflit avec les Etats-Unis, et finalement des campagnes trop gourmandes dans ce conflit, le Japon fut vaincu, rendit tous les territoires conquis depuis 1894, et se vit imposer la constitution que le pays a gardé jusqu'à ce jour.

Laquelle constitution stipule, entre autres, la séparation de l'eglise et de l'etat... rendant de fait la visite du premier ministre à titre officiel à la limite de l'anticonstitutionnel. Et la presence des dépouilles de criminels de guerre reconnus (jugés et executés après la seconde guerre mondiale) au milieu des heros de Yasukuni rend la chose douteuse, même à titre privé. Et il ne suffirait pas de simplement sortir lesdites depouilles du sanctuaire, les prêtres s'y opposant formellement...

Joli meli-melo que ce temple du "pays pacifique" qui a du mal à se débarasser de ses criminels de guerre, ce premier ministre qui fait des excuses officielles aux pays d'asie quelques jours avant d'aller visiter ledit temple controversé...

Mais au final, j'ai beau regretter cette source de tension internationale, je vois que les japonais "comme vous et moi" parlent et entendent parler des crimes de guerre, quand presque partout ailleurs, les excuses dûement faites et acceptés depuis des lustres, on a (trop) vite tendance à oublier...

olivier, mercredi 30 avril 2003, 23:32

Avant/Après

On ne rigole pas avec la politique

Qui a dit que la politique japonaise était squattée par de vieux penibles? Moi, sans doute, mais on dirait que la gerontocratie se fait petit à petit secouer les puces. Comble de la décadence politique ou vent de fraicheur, un catcheur de 33 ans a été recemment élu au parlement regional d'Iwate, et participera aux debats… masqué. A noter aussi,…

À suivre


Au pas, mesdemoiselles!

J'ai du mal à cerner ce qui rend la démarche de beaucoup de (jeunes) femmes japonaises (pas des hommes, qui, en toute objectivité bien sûr, sont relativement ininteressants en la matière) particulièrement fascinante, mais j'ai la certitude, ayant traîné mon regard sur les rues de bien des pays, d'avoir rarement vu quoi que ce soit de similaire. Peut-être est-ce dû…

À suivre