2 Neurones & 1 Camera

Olivier Thereaux

Un nouvel optimisme

photo: obey

Pendant des mois, poussé par l'impérieux besoin de croire en un monde meilleur, j'ai suivi de très près le processus électoral d'un pays qui, si je n'y vis pas, influence suffisament mon existence pour que son avenir m'intéresse passablement. Je lus énormément, jusqu'à parfois y passer un temps assez considérable, alors même que mes différentes activités m'imposaient déjà un emploi du temps chargé et peu propice à la recherche ou à l'information en profondeur.

Pourtant je m'y tins fermement, engrangeant une quantité de connaissances sur la politique américaine dépassant probablement celle que j'ai des paysages politiques japonais ou français.

Je côtoie assez d'américains cultivés, ouverts, charmants en somme, pour eviter l'ecueil facile de l'antiaméricanisme primaire, fâcheuserie qu'hélas beaucoup de mes compatriotes n'auront, en ces temps pénibles sur la scène internationale, su passer au tamis cartésien. Je ne saurai d'ailleurs leur en tenir rigueur, tant les meilleures intentions, face à l'adversité, finissent souvent par suppurer de l'amertume par tous les pore: on peut espérer un monde plus juste, plus tolérant, une humanité plus ouverte à l'autre; s'effrayer des corruptions, des nouveaux obscurantismes, s'agacer des bigoteries, et dériver vers une haine de leurs acteurs autant que de leurs idées, une haine des intolérants et des simplificateurs à outrance, et paradoxalemenent, une haine de soi.

Je n'ai pas haï, ni ne m'y mettrai maintenant, les américains pour s'être ainsi faits berner par le prêche fascisant de leur pouvoir executif, mais j'ai tout autant gâché mon énergie dans une fascination utile dans une certaine mesure, mais pernicieuse, dans la mesure ou l'étude du problème faisait passer la recherche de la solution au second plan.

Aussi intéressante que soit la politique internationale, elle a je crois tendance, à l'instar de toute politique contemporaine - avec un petit p - à occulter l'idée cruciale que dans la république (res publica, la chose publique), il est souvent plus efficace de "penser global, et agir local".

Il me fallut deux chocs pour enfin sortir de cette torpeur electorale. Le second me fut administré en ce début de novembre 2004, alors que la (ré)élection de GW Bush à la présidence des affaires étasuniennes me fit la démonstration imparable que ma connaissance des coins et recoins de cette campagne n'avait pas franchement fait avancer le schmilblick, en tout cas pas plus que si je m'étais cantonné à la suivre au travers de mes seules sources d'information habituelles, déjà bien fournies.

Le second choc me parvint après l'ouverture officielle de Tokyo Art Beat.

Tel un pied de nez à notre injonction "sortez!", le ciel tokyoite s'était mis à nous pisser dessus sans répit, si bien que, contrairement à mon habitude, je ne mis pas un pied dehors pendant environ deux jours. J'étais de toute façon bien occupé à corriger les cent petits problèmes que nous trouvions çà et là sur le site, ce qui me changeait assez peu du rythme ayant précédé le lancement. Mais lorsqu'enfin je me suis forcé à sortir et humer les rues d'Ebisu, je fus frappé d'un étonnant sentiment d'appartenance: j'avais fait quelque chose pour cette ville, un service rendu en remerciement pour les années de plaisir que la vivante capitale m'avait procuré.

Ce n'était certes pas la raison pour laquelle il y a un an (presque jour pour jour) Paul et moi avions commencé à discuter (de l'absence) d'un bon site d'information sur la scène Art et Design de la ville, lacune que nous devions finir par combler nous-mêmes, rejoints dans cette entreprise par des individus aussi motivés que nous à l'idée de faire un peu bouger les choses... Bien sûr, un site Web seul ne changera pas radicalement la face de la ville, mais la réalisation - tardive - que notre travail avait porté ses fruits et que nous allions contribuer à la richesse culturelle de Tokyo, était, et demeure, étrangement grisante.

Tokyo Art Beat s'avère une jouissive mise en oeuvre de mon idée qu'une combinaison d'une (relative) expertise technologique et du goût pour l'esthétique et la culture pourrait aboutir enfin à une création satisfaisante, dans tous les sens du terme. Quand bien même le fait de permettre aux artistes et intellectuels tokyoites de mieux profiter du bouillonnement artistique de leur cité ou de construire un pont (linguistique, au moins) entre Tokyo et le marché international de l'art ne serait pas une oeuvre humanitaire équivalente à un puits ou une usine de traitement des eaux au Soudan, cela n'en demeure pas moins une réalisation humaniste, indubitablement moins stérile qu'une apathie déprimée devant le sale état du monde.

olivier, dimanche 07 novembre 2004, 10:55

Avant/Après

Photos: Tokyo estival

Contrairement au déprimant silence sur ce coin de toile, ou peut-être plutôt, comme ledit silence le laissait présager, cet été 2004 aura été bien rempli par le développement de Tokyo Art Beat, et accompagné de petits bonheurs, rencontres, retrouvailles… Ce fut indubitablement un bel été. Fi des ignobles caprices des cieux, tant pis pour les mauvaises herbes que la…

À suivre


Et pour les tatouages?

A l'exception tout juste notable d'excite "world", il n'y avait jusqu'ici pas foule de ressources folichonnes pour l'aide à l'apprentissage du japonais sur le Web. Puis Julien Quint créa A亜アあ (prononcer ah-ah-ah-ah), Un dictionnaire des kanji pratique, animé, exhaustif, interactif… Et accessoirement une jolie utilisation de la technologie SVG[*]. Magnifique. Bravo.

À suivre